Chroniques d'une société annoncée par le collectif Qui fait la France

Publié le par Petrus

 Issu du collectif "qui fait la France ?" Chroniques d'une société annoncée est un recueil de nouvelles dont les auteurs, pour la plupart (la totalité ?) issus de la banlieue, se proclament eux-mêmes représentatifs de la diversité française. Les nouvelles sont précédées d'un manifeste bourré de bonnes intentions et défendant une « écriture au miroir » en prise avec la réalité sociale de la France d'aujourd'hui. Les droits du livre seront intégralement reversés à une association ayant pour but de promouvoir des projets artistiques émanant des marges. S'agirait-il donc d'une nouvelle école littéraire ? On aimerait aimer ce projet collectif, cette ambition de créer quelque chose de neuf en littérature.

Hélas, la lecture des nouvelles laisse pour le moins dubitatif quant aux ambitions affichées par les auteurs. Il y a les ratages complets, ceux de Khalid el Bahji et de Mohamed Razane, qui accumulent les clichés et font preuve d'une banalité stylistique et thématique affligeantes (bavures policières présentées de la manière la plus plate qui soit). Un peu mieux écrite, mais pas tellement plus originale d'un point de vue thématique, une journée à Dreux raconte l'histoire d'un braquage raté. D'autres nouvelles sont plus intéressantes mais ont quelque chose d'inabouti. C'est le cas de Vagues à l'âme de Karim Amellal, l'histoire émouvante d'une (non-)rencontre entre un jeune de banlieue et une fille de boucher de bord de mer qui rappelle un peu les nouvelles de la ronde de Le Clézio, le style en moins; un souffle de vent frais souffle dans il y a quelque chose d'inouï au royaume de Danemark, mais la fin de la nouvelle laisse le lecteur sceptique. Dans Racisme aveugle d'Habiba Mahany le style tempère un peu la lourdeur du propos ; stylistiquement intéressante également par la reproduction d'une langue orale truculente, la nouvelle Allah a aidé les blancs donne cependant l'impression au lecteur de ne pas savoir où elle va et manque singulièrement d'empathie à l'égard de ses personnages. On notera également les nouvelles à chutes de Mabrouck Rachedi mais davantage comme des exercices d'écriture réussis que comme des oeuvres fortes porteuses d'un véritable message. Finalement, les nouvelles les plus intéressantes sont celles qui s'éloignent de cette écriture au miroir prônée par le manifeste : que ce soit dans un jardin délaissé de Samir Ouazene où un jeune raconte le remariage de sa mère maghrébine avec un français de souche sans que l'on sache très bien si son récit est un fantasme ou une réalité, ou bien dans je suis qui je suis, excellente nouvelle - probablement la meilleure du recueil - de la non moins excellente Faïza Guène, où, sur un ton "mortellement" drôle, un personnage se prend pour Thierry Henry, Gérard Depardieu et Djamel Debbouze.

Globalement ce recueil, en dépit de quelques réussites, manque de souffle et d'envergure et prouve encore une fois que l'on ne fait pas de la bonne littérature avec des bons sentiments. Il manque à un certain nombre de ces auteurs la capacité de s'abstraire du réel pour porter sur celui-ci un regard singulier et éviter les clichés et les lieux communs dont la littérature n'a que faire. Faute d'un projet esthétique cohérent et ambitieux, ces chroniques d'une société annoncée se condamnent à n'être rien d'autre qu'un effet d'annonce.

Pour plus d'informations sur le collectif, on pourra toujours consulter le site Qui fait la France ?

Publié dans littérature

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