Ourika de Claire de Duras

Publié le par Petrus

C'est une bonne idée des éditions Bleu autour que d'avoir réédité ce petit roman ou cette longue nouvelle de Madame de Duras, une contemporaine et amie de Madame de Staël et de Châteaubriand que l'histoire littéraire a injustement oubliée.

Ourika est une jeune orpheline sénégalaise que Mme de B. a charitablement sauvée de l'esclavage en la recueillant et en l'élevant comme sa propre fille. Pourtant, Ourika est différente, c'est ce qu'elle apprend en entendant, lors d'une conversation qu'elle écoute sans être vue, une amie de sa protectrice prononcer ces terribles paroles : « Qui voudra épouser une négresse ? » Elle se rend compte alors, à l'âge de douze ans, qu'elle ne peut décemment espérer ce que toutes les jeunes filles de son âge et de son milieu attendent avec impatience. Elle est condamnée par sa couleur à rester éternellement seule. La révolution lui offre un instant l'espoir d'un bouleversement de la société où elle pourrait acquérir une place selon son mérite, mais son espérance est bientôt déçue. Pire, elle se rend compte qu'elle est amoureuse de Charles, le fils de sa protectrice, qui ne la voit que comme une soeur et qui se marie avec une autre. Seule, desespérée dans un monde qui n'est pas fait pour elle, Ourika se tourne vers Dieu et devient religieuse dans un couvent.

Le texte prend la forme d'une longue confession adressée au médecin venu soigner Ourika sur son lit de mort. Si l'écriture, toute en analyse psychologique à la Benjamin Constant ou à la Madame de Lafayette, est assez classique, le sujet, lui, est éminemment romantique et Ourika est en quelque sorte la soeur noire d'Atala. Mais plus que la forme qui a quelque peu vieilli, c'est le fond de ce récit qui reste d'une actualité brûlante. Ourika ressemble à ces Français à qui l'on a enseigné les valeurs de la France, la liberté, l'égalité, la fraternité, et à qui, une fois adulte, l'on renvoie sans cesse la couleur de leur peau ou les sonorités de leur patronyme comme une fin de non recevoir. Il se pourrait qu'ils se tournent, comme Ourika, vers la religion. Mais cette religion-là n'a rien de calme ou de paisible. Qu'on y prenne garde. Il serait temps.


Le texte de Madame de Duras est disponible sur le site de la Bibliothèque de Lisieux :  Ourika

Publié dans littérature

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