On n'est pas couché sur France 2
Samedi dernier, n'ayant rien d'autre de mieux à faire, j'ai passé la soirée devant mon poste de télévision. Par curiosité, j'ai voulu regarder l'émission animée par Laurent Ruquier qui a remplacé sur France l'émission mythique Tout le monde en parle. Venir après Ardisson, qui quoiqu'on en pense était un animateur chevronné et rompu aux techniques du talk-show, relevait de la gageure. Ruquier semble avoir préféré la continuité à la rupture. Le plateau ressemble à s'y méprendre à celui de son prédécesseur, mêmes teintes bleues, même escalier sur lequel les invités se cassent la gueule, même table, même public. Mais Ruquier n'est pas Ardisson et le dispositif qui avait fait le succés de Tout le monde en parle ne fonctionne pas.
Dois-je avouer que je me suis mortellement ennuyé durant cette soirée et que je ne suis resté jusqu'au bout que dans le but de pouvoir faire une chronique sur ce blog ? Cet ennui provient de plusieurs causes que je vais tenter d'identifier. Il tient d'une part au choix des invités. Il n'y avait sur ce plateau que des têtes qu'on a déjà vues cent fois, mille fois : Roger Hanin, Arielle Dombasles, Joey Starr, Philippe Sollers, Julio Iglésias. Tous ces invités avaient sans doute des produits à vendre, mais dois-je le dire ? , ils ne semblaient être sur le plateau que pour se montrer. Demandez-moi ce que chacun était venu présenter, je serais incapable de vous le préciser. Pourquoi donc une telle inconsistance ? Probablement parce que Laurent Ruquier dont on connait l'origine sociale modeste ne les avait pas invités en tant qu'artistes ayant un message à faire passer mais en tant que stars. Tous ces gens n'étaient là que parce qu'ils étaient connus. Et c'est bien là le problème, c'est que le spectateur n'avait, contrairement à ce qui se passait dans l'émission d'Ardisson, rien ni personne à découvrir. A cette absence de nouveauté s'ajoutait un mélange des genres complétement raté. Invité politique, Nicolas Dupont Aignan, l'outsider de l'UMP jouait sur le plateau le rôle du bouffon qui amuse tout le monde par sa naïveté. Peut-être que Ruquier n'a pas pu obtenir la présence d'un candidat plus crédible, il n'empêche que c'est une façon assez lamentable de parler d'un sujet sérieux et les questions posées à l'invité par Michel Polac et Eric Zemmour ne contribuèrent pas tellement à créer le débat. Quant au numéro de Jean-Luc Lemoine, ridiculisant l'invité par une série de questions réponses obtenues grâce à un montage d'images d'archives, mieux vaut ne pas en parler.
Pas de polémique donc. Il y eut bien Roger Hanin morigénant Joey Starr parce qu'il manquait de correction à l'égard d'Arielle Dombasles, mais lui-même n'avait pas l'air tellement d'y croire. Voulant sans doute créer un moment d'émotion, Ruquier avait invité Georges Moustaki dont Joey Starr a repris le célèbre "métèque" sur son dernier album. Il aurait visiblement voulu que les deux interprètent en direct la chanson originale de façon à créer un duo inédit qui aurait pu faire sensation. Mais c'était compter sans Joey Starr qui refusa tout net de chanter. Du coup, Moustaki abandonna également après le premier couplet, laissant au public le soin de chanter sa chanson. Et c'était bien la seule chose qui restait sur le plateau, le public, image d'un téléspectateur plombé d'ennui devant ce parterre de stars étrangement absentes alors que leurs corps étaient pourtant là. L'émission terminée, force fut de constater qu'il ne s'était rien passé, que je n'avais rien appris et que j'avais tout simplement perdu ma soirée...
Avant d'aller me coucher, je tombai par hasard sur des images de Léo Ferré, chantant ou parlant de son oeuvre. Eh bien ce chanteur mort depuis plus de dix ans me semblait infiniment plus vivant que tous ces artistes vivants qui s'étaient succédé sur le plateau vide et désert d'on n'est pas couchés.