Solaris de Steven Soderbergh à l'aune du livre de Stanislas Lem

Publié le par Pétrus

Il s'agit d'une adaptation d'un roman de Stanislas Lem, le plus célèbre auteur polonais de science-fiction. Ayant lu le roman l'année dernière, j'étais curieux de savoir comment un réalisateur avait pu transposer visuellement les réflexions philosophiques et métaphysiques de Lem.


Dans un futur où le voyage intersidéral est une réalité, Chris, un psychologue, est contacté par un ami qui lui demande de venir le rejoindre dans la station orbitale d'observation de la planète Solaris. Arrivé sur place, il constate que son ami est mort. Les deux membres de l'équipage restant ont un comportement étrange et parlent à demi-mot de manifestations singulières. Lors de la première nuit passée à bord, la femme de Chris, morte des années auparavant, lui apparaît. Chris, comprenant qu'il s'agit d'une illusion suscitée par la proximité de cette étrange planète décide de la supprimer en l'envoyant hors de la station. Mais son image revient le jour suivant. Chris, cette fois, semble décidé à la garder avec lui quoiqu'il puisse lui en coûter et en connaissance de cause. Mais ce deuxième avatar apprend ce qui est arrivé au premier avatar. Les tendances suicidaires de la femme de Chris prennent le dessus et l'avatar demande à Gordon, le commandant de la station, une femme noire, de la supprimer physiquement. De retour sur terre, Chris retrouve sa femme ou l'image de sa femme.

Ce film est essentiellement contemplatif et ne conviendra pas aux amateurs de scènes spectaculaires tournées à grands renforts d'effets spéciaux. La profonde nostalgie qui se dégage de la première partie du livre est magistralement rendue par une série de flash-backs filmés en teinte sépia qui contrastent avec l'univers froid et bleuté de la station. On songe à l'atmosphère de Bienvenue à Gattaca ou encore à A.I. de Spielberg, le réalisateur parvenant à nous rendre sensible la douloureuse aspiration de son personnage, aspiration qui transcende ses doutes et sa faiblesse. Là où Soderbergh est beaucoup moins convaincant en revanche, c'est lorsqu'il évoque le rôle occulte de la planète Solaris dans cette mystérieuse apparition de la femme de Chris. Manque au film cette merveilleuse évocation d'une planète intelligente, sorte d'avorton de dieu qui jouerait avec les affects des humains en suscitant des créatures issues de leurs souvenirs et de leur imaginaire, sans avoir conscience de ce qu'elle fait. Manquent aussi les magnifiques images que l'on aurait pu attendre de cette planète. Il ne subsiste rien en effet dans le film de ces constructions baroques que sont les mimoïdes, ces constructions gigantesques et éphémères suscitées par la planète et qui ressembleraient à d'antiques cités surgies du désert. Les quelques images auxquelles le spectateur a droit ne sont pas tellement plus spectaculaires que celles que l'on peut voir dans 2001 odyssée de l'espace (film qui a été réalisé il y a presque quarante ans!)

L'ancien étudiant en lettres que je suis ne peut s'empêcher de voir dans cette planète qui utilise les sentiments des humains pour engendrer des créatures issues de leur imaginaire, dans la plus totale inconscience de ce qu'elle fait, une métaphore de l'oeuvre d'art en général et de l'oeuvre littéraire en particulier. D'autres y verront sans doute une dimension philosphique ou métaphysique qui semble davantage correspondre aux préoccupations de Stanislas Lem. Quoiqu'il en soit, cet aspect n'apparaît pas clairement dans le film de Soderbergh, preuve que le langage cinématographique possède ses limites et qu'il ne peut exprimer la même chose qu'une oeuvre littéraire.

Il y eut une première adaptation de l'oeuvre de Lem, réalisée par Tarkovski. Je ne l'ai pas vue, mais je serais curieux de savoir comment Tarkovski s'en est tiré...

Publié dans cinéma

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A
J'aime bien les films de Soderberg, et celui là autant que les autre.Et, en plus, c'est bien parce que j'ai pas compris la fin (tout comme 2001 ). Il me semble en effet que la planète n'a pas le grand rôle, je ne me souvenais même pas qu'il était question d'une planète...
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